Sophie Dubuisson-Quellier
Invitée de notre cycle de débats TransFORMER
Jeudi 4 avril 2024 a eu lieu notre cycle de débats TranFORMER avec Sophie Dubuisson-Quellier, directrice de recherche CNRS, directrice du Centre de sociologie des organisations et membre du Haut Conseil pour le Climat.
Dans ses travaux de recherche, Sophie Dubuisson-Quellier est sociologue de l’économie. Elle s’est beaucoup intéressée à l’action de l’Etat, en regardant comment l’Etat influence les mobilisations citoyennes, et à l’inverse, comment les consommateurs et les collectifs peuvent influencer l’action de l’Etat et la régulation. Elle est aujourd’hui la seule représentante des sciences sociales au Haut Conseil pour le climat.
Rupture, changement de modèle : comment penser la transformation de nos sociétés sans inégalités ?
Jeudi 4 avril 2024, Sophie Dubuisson-Quellier a rejoint notre cycle de débats conférences pour une discussion animée avec nos élèves ingénieurs autour de la transformation de nos sociétés « Rupture, changement de modèle : comment penser la transformation de nos sociétés sans inégalités ? ».
La conférence a permis d’évoquer les questions de transition juste, de nouveau contrat social, de militantisme et d'échelles d'actions. Elle était animée par les étudiantes ingénieures Lola Lerogeron, Marine Lopez, Amel Zidoum, Mary Fleury-Loizeau, Paula Myszka et préparée avec le soutien de Sterenn Lucas, enseignante chercheuse en économie de la consommation et du marketing.
Après une présentation par les étudiants de Sophie Dubuisson-Quellier, cette dernière a fait un court exposé de ses recherches avant de continuer la discussion avec les questions préparées par les étudiantes et celle de l'assistance. Elle a expliqué en introduction pourquoi elle avait choisie comme personnalités inspirantes : Jean Jouzel et Valérie Masson-Delmotte, pour leur travail de sensibilisation sans relâche aux changements à venir et l'une des urgences de nos sociétés.
Une consommation engagée ?
Interrogée par les élèves ingénieurs qui avaient préparé la rencontre, elle a évoqué de nombreux sujets, soulignant que les modes de vie ne sont pas simplement le résultat de choix individuels, mais plutôt le produit de configurations sociales et techniques complexes établis sur de longues périodes. Par exemple, la dépendance à la mobilité automobile est enracinée dans des choix collectifs et des inégalités sociales. Elle a mis en évidence dans son travail le rôle des institutions sociales dans la formation des comportements, notant par exemple que la mobilité automobile est une institution sociale. Toutes ces stratégies de consommation sont influencées par des références sociales et des normes, ce qui crée des clivages au sein de la société.
Elle donne l'exemple de la voiture individuelle : sur les usages de la voiture, il n’est pas nécessaire de faire de la psychologie pour comprendre pourquoi « les Français sont attachés à la voiture individuelle et aiment la bagnole ». Pour changer, l’organisation sociale, urbaine, économique doivent être revues :
- l’explosion de l’usage des SUV s’explique avant tout par la politique des constructeurs automobiles, pour maintenir leurs marges. Ils ont structuré le marché et agi sur la demande, sans aucune régulation publique ;
- la question du transport est liée aux réalités sociales, aux lieux de vie et aux revenus des individus.
Sophie Dubuisson-Quellier s'est montrée critique de l'idée d'une transition vers une consommation plus responsable en soulignant que le consumérisme est structuré politiquement et économiquement. Les forces du statu quo, telles que l'économie, la formation et les politiques publiques, rendent difficile la transformation des comportements.
Inégalités : un conflit générationnel ?
Partant du graphique sur les inégalités générationnelles produite par le GIEC, Sophie Dubuisson-Quellier a proposé de repenser les outils, les modèles d'affaires et des interventions publiques afin de mieux résoudre les inégalités et les impacts environnementaux.
Elle soutient également l'idée d'une approche collective plutôt que punitive afin d'encourager des comportements plus durables. Pour elle, les inégalités générationnelles face aux impacts du changement climatique doivent trouver la nécessité d'une mobilisation sociale diversifiée pour catalyser le changement. Elle a aussi mis en garde contre la moralisation excessive du débat sur l'écologie et encourager une approche plutôt systémique pour transformer la société.
Sophie Dubuisson-Quellier a conclu en appelant à une confiance dans les capacités individuelles et collectives à créer des changements significatifs, tout en reconnaissant la nécessité de restructurer les institutions et les politiques pour rendre l'écologie plus attractive et accessible à tous.
Retrouvez l'intégralité de la rencontre sur notre chaîne YouTube.